J'avais un projet de programme court avec un ami. On a écrit 6 épisodes puis on a abandonné. Parfois, c'est ainsi la vie.
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Bonne lecture
Décor : Un bureau mal rangé d’un commissaire de police. En premier plan une chaise dos où se tiendra le suspect, derrière le bureau, face caméra, le fauteuil du commissaire de face
En arrière—plan, on voit des armoires remplies de dossiers dans tous les sens.
Le suspect se tiendra le plus souvent sur sa chaise de dos, le commissaire sur son fauteuil et l’adjoint (LANTIER) debout derrière le fauteuil du commissaire.
INTÉRIEUR NUIT : on voit le suspect sur la chaise, le commissaire le regarde sans rien dire. LANTIER passe dans le dos du commissaire, et s’arrête sur sa droite.
LANTIER (se penchant vers le commissaire avec un parapheur) — Commissaire, je vous cherchais partout, j’ai ce procès-verbal à vous faire signer.
COMMISSAIRE (fixant toujours le suspect) — Lantier, tu te souviens quand le chef m’avait dit que ça n’avait aucun sens de monter une brigade des ennuyants.
LANTIER — Il l’a pas exactement dit comme ça, il a dit que c’était complètement c…
COMMISSAIRE (le coupant) — Eh bien je tiens ma revanche. Je te présente Jean-Christophe Dubois.
LANTIER (regardant le suspect) — Le fameux Jean-Christophe ? Le serial boring ? Celui qui passe incognito de…
COMMISSAIRE — Tout juste !
LANTIER — Vous êtes surs que c’est lui ? À première vue, il n’a pas l’air très causant.
COMMISSAIRE — On va le faire parler, tu n’inquiètes pas pour ça… Mets-toi en position Lantier.
Pendant les prochains Cut, Lantier fixe le suspect de très près pour voir sa réaction pendant que le Commissaire joue les situations en changeant de position à chaque fois.
COMMISSAIRE (regardant dans le vide et jetant de coup d’œil au suspect pour voir sa réaction) — Jean Christophe, tu ne trouves pas qu’on se croirait au mois de novembre avec ce temps ? Alors que c’est bientôt l’été… C’est fou non, a croire qu’il n’y a plus de… de…
(silence)
LANTIER (fixant le suspect) — Non, pas de réaction Commissaire.
COMMISSAIRE (en feuilletant un programme télé) — Ah zut, hier il y avait Koh Lanta, j’ai raté l’épisode (regardant au loin) il n’y a pas quelqu’un qui pourrait me le résumer
LANTIER (fixant le suspect) — Ah, il y a un petit quelque chose, mais il tient bon.
COMMISSAIRE (regardant le suspect) — Dis-moi, dans la mesure où on est le premier jour de la semaine,
LANTIER (fixant le suspect) — Il frétille Commissaire…continuez !
COMMISSAIRE — Que celle-ci va être encore longue et que le weekend prochain nous parait loin…
LANTIER (fixant le suspect) — Il tremble Commissaire, poursuivez !
COMMISSAIRE — Et qu’on est nostalgique du weekend dernier… tu dirais que tu vas comment ? Que tu vas comme un … un…
LANTIER (déçu, fixant le suspect) — Il s’est arrêté Commissaire.
COMMISSAIRE (regardant le suspect) — Comment ça il s’est arrêté ?
LANTIER — Plus de réaction.
COMMISSAIRE — Quelle heure est-il ?
LANTIER (regardant sa montre) — Minuit une.
COMMISSAIRE — Mince, on est maintenant mardi. Ah, on le tenait !
COMMISSAIRE — Tu as des enfants Jean-Christophe ?
LANTIER — Ah ça mord ! Son œil frétille.
COMMISSAIRE — Moi, j’ai une fille, 4 ans, c’est mon petit bonheur.
LANTIER — Sa lèvre supérieure vibre.
COMMISSAIRE — Regarde, c’est un dessin qu’elle m’a fait, ce n’est pas joli ?
Le commissaire montre un dessin d’enfant.
LANTIER — Ah. Il s’est refermé comme un escargot.
COMMISSAIRE — Bah pourquoi ?
LANTIER (se retournant vers le commissaire, regardant le dessin) — Ah bah c’est le dessin.
COMMISSAIRE — Quoi le dessin ?
LANTIER — Il est très moche, ça a dû le gêner que vous lui demandiez son avis ?
COMMISSAIRE — Bah voyons Lantier !
LANTIER — Les proportions sont mal faites, le trait part en vrille, les couleurs sont d’une incohérence folle…
COMMISSAIRE — Oui, j’ai compris.
Le commissaire est seul avec le suspect.
COMMISSAIRE (s’adressant au suspect) — Tu as été balèse, Jean-Christophe. J’avais pourtant un dossier solide contre toi : on a retrouvé à ton domicile les badges d’accès des plus grandes PME de la région, on a vu dans ton téléphone une centaine de notes nommées « idée pour lancer un échange cordial » et tes analyses de sang ont révélé que tu étais plus chargé en caféine qu’un rasta blanc en THC. Mais tu as été plus fort.
Lantier arrive avec deux tasses de café qu’il donne au Commissaire et au suspect.
LANTIER (au Commissaire) — Je sais que vous êtes déçu Commissaire (en donnant sa tasse au suspect et en s’adressant à lui) Je ne sais pas si vous preniez du sucre, donc j’en ai pas mis, mais je peux aller vous en chercher.
Le suspect prend la tasse.
LE SUSPECT (énergique et très rapide) — Ah non, jamais de sucre, j’ai vu un documentaire sur l’industrie du sucre l’autre jour, c’est sidérant, vous saviez que…
COMMISSAIRE — On le tient Lantier ! (il se lève) Jean Christophe Dubois, je vous accuse d’être JC le Relou de la Machine à café, qui passe de société en société pour mettre des tunnels de conversations aux employés innocents.
On voit le commissaire en costume regardant la suspecte.
Lantier arrive.
LANTIER — Ah vous êtes là Commissaire. Je pensais que vous étiez en congé. Olala, vous êtes chicos.
COMMISSAIRE — C’est parce que j’étais au mariage de ma nièce. Mais j’ai arrêté sur la piste de danse la demoiselle que tu vois. Je ne vais pas te cacher que ça a mis un petit froid à la fête.
LANTIER — Pourquoi l’avez-vous arrêté ?
COMMISSAIRE — Car je l’ai reconnu (il sort un dossier) mai 2023, bar dansant de la Pergola à La Rochelle, septembre 2022 Camping de la Motte à Muides sur Loire, juin 2022 Mariage de Sophie et Arthur à Nonant le Pin, octobre 2021 la boite le Purple à Saint Jouan de Guets. À chaque fois c’est le même mode opératoire.
LANTIER — Je connais ce dossier, mais comment vous savez que c’est elle ? Vous l’avez prise sur le fait. ?
COMMISSAIRE — Non, je suis intervenu un peu trop tôt. Mais je vais me rattraper. Et pour ça, je dois changer de costume.
Le commissaire part.
Lantier et le commissaire ne sont plus là. Le commissaire arrive en tenue de DJ. Lantier arrive avec un poste de radio à cassette. Le commissaire installe son bureau pour faire une fausse platine.
COMMISSAIRE — Tu peux y aller Lantier.
Lantier appuie sur la radio. La musique part. Le commissaire fait de l’air-dj pendant une minute.
Au bout d’un temps, la suspecte lève le doigt.
La SUSPECTE — excusez-moi.
Lantier arrête la musique.
COMMISSAIRE — Oui ?
LA SUSPECTE — Est-ce que vous pouvez mettre la chanson qui fait « oui ma gaté, rs4 gris nardo… »
COMMISSAIRE — On la tient Lantier ! Mademoiselle, je vous accuse d’être Gwendoline, dit la relou qui interrompt le DJ de la soirée pour qu’on mettre bande organisée.
Lantier plaisante avec le suspect. Sur la table, deux verres et une carafe d’eau.
LANTIER (rigolant avec le suspect) — Haha, c’est pas vrai, quelle histoire !
Le Commissaire arrive.
LE COMMISSAIRE — Ah Lantier, qu’est ce que vous faites là si tard ?
LANTIER — Oh rien Commissaire, un indic m’avait dit que ce monsieur était un membre de la mafia des ennuyants. Je l’ai donc convoqué pour un interrogatoire, mais c’est en fait une personne très sympathique.
LE COMMISSAIRE — Bien, et bah raccompagnez ce Monsieur à la sortie, car demain nous avons une grosse journée.
LE SUSPECT — Je finis mon verre d’eau et je vous libère.
LANTIER — Voilà.
(le Commissaire s’assoit à côté de Lantier).
LE COMMISSAIRE — Intéressant.
LANTIER — Vous pouvez y aller Commissaire. Je fermerais en partant.
LE COMMISSAIRE — Monsieur n’en a pas pour longtemps de toute façon.
LE SUSPECT (se resservant un verre) — Un petit verre, car j’ai la gorge sèche, et je vous libère.
LANTIER — Bon un dernier verre alors.
LE SUSPECT — Voilà, un dernier.
LANTIER — Commissaire, un dernier verre et on s’en va.
LE SUSPECT — Et donc c’est vous le chef de Lantier.
LE COMMISSAIRE — C’est moi…
LE SUSPECT — Ça doit être passionnant de mener des enquêtes tous les jours.
LE COMMISSAIRE — Oui, ça l’est…
Moment de silence
LANTIER — Bon allez, ce n’est pas tout ça Monsieur, mais on doit libérer la salle.
LE SUSPECT — Petit verre, hop. Et j’y vais.
LANTIER — Ok, voilà.
LE SUSPECT — Voilà.
LANTIER — Voilà voilà.
LE SUSPECT — Voilà, voilà, voilà
LANTIER — Voilà voilà voilà voilà
LE SUSPECT — Voilà voilà voilà voilà voilà
LANTIER — Voilà voilà…
LE COMMISSAIRE (le coupant) — Lantier !
LANTIER — Oui commissaire ?
LE COMMISSAIRE — Il n’y a rien qui vous choque ?
LANTIER — Ah oui, pardon
Lantier sert un verre au commissaire.
LE COMMISSAIRE — Non, mais…
LE SUSPECT — Je suis pas contre un autre petit verre.
LANTIER — (servant le suspect) Tenez.
LE SUSPECT — Voilà
LANTIER — Voilà voilà.
LE SUSPECT — Voilà, voilà, voilà
COMMISSAIRE — Bon, ça suffit.
Il se lève.
COMMISSAIRE — Monsieur, je vous accuse d’être le gars en soirée qui ne veut pas partir alors que l’ambiance est clairement fini et que les hôtes en ont marre et veulent aller se coucher.
Lantier et le Commissaire sont debout devant une suspecte très âgée.
LANTIER — Vous êtes surs que c’est elle Commissaire ?
COMMISSAIRE — Ça fait des semaines que je sacrifie mes pauses dej pour aller dans les supermarchés de la région. Je ne fais que de la croiser. C’est sûr que c’est elle.
LANTIER — Mais comment vous allez le prouver ?
COMMISSAIRE (regardant sa montre) — On va attendre quelques minutes encore.
COMMISSAIRE (toujours sur sa montre) —- Encore quelques secondes… et top dix-neuf heurs.
LA SUSPECTE se penche très très doucement, prend un truc dans son sac, le pose sur la table.
La scène dure au moins 30 secondes, pendant ce temps là Laurier et le Commissaire la suivent du regard au ralenti.
LANTIER — Bon, vous avez raison, c’est elle.
LE COMMISSAIRE — Madame, je vous accuse d’être Yvette, la vielle du supermarché qui avait toute la journée pour faire ses courses, mais qui les fait pile quand tout le monde sort du boulot et qui met trois heures à passer ses articles.
En premier plan la chaise du suspect qui parait vide. Derrière le bureau, le commissaire fixe la chaise.
Lantier arrive.
LANTIER — Commissaire, il y a le chef qui… (s’arrêtant en regardant la chaise). Mais pourquoi..
COMMISSAIRE — Cet individu est sans doute la personne la plus dangereuse que j’ai arrêté de ma carrière. C’est pour un cas comme ça que j’ai monté la Brigade des ennuyants.
LANTIER — Vous êtes sûr qu’il est dangereux ? Il a l’air si innocent avec ses petites…
COMMISSAIRE — Figure toi que ce monsieur fait partie d’une des plus grandes mafias des ennuyants : le clan du train, dont fait partie Jeannine la mamie qui te demande de l’aide pour son sac alors que tu es déjà assis confortablement sur ton siège, Isabelle qui se trompe de place, mais qui te demande si ça ne te dérange pas de prendre la sienne en échange, trois voitures plus loin, place coté fenêtre, sens contraire de la marche, et Yvan qui se pète sans vergogne un macdo au milieu du wagon et lui…
LANTIER (effrayé) — Vous voulez dire que lui c’est…
COMMISSAIRE — Corentin…
LANTIER — Il a l’air si innocent.
COMMISSAIRE — Bon Corentin, j’ai un dossier solide sur toi. Donne-moi depuis quels trains vous avez prévu d’ennuyer avec ton clan dans les prochaines semaines et le juge sera clément.
Silence
LANTIER — Vous êtes sûr que..
COMMISSAIRE (ne faisant pas attention à Lantier) — J’ai tout mon temps Corentin…
Le commissaire arrive avec un café.
COMMISSAIRE — Tiens.
Il sort un paquet de clopes.
COMMISSAIRE — Tu veux peut-être t’en griller une.
silence
LANTIER — Mais Commissaire en fait vu que…
COMMISSAIRE (au suspect, ne faisant pas attention à Lantier) — Tu veux la jouer gros dur ? Je respecte.
COMMISSAIRE (au suspect) — Vous visez un Thalis, un TER, un TGV ? Rien que cette petite information pourra t’éviter quelques mois de prison… Un mot pour quelques mois de liberté …
silence
LANTIER — Je ne suis pas sûr qu’il puisse…
COMMISSAIRE (au suspect, ne faisant pas attention à Lantier) — Monsieur veut faire le muet, ok…
Le commissaire arrive avec une carte qu’il déroule sur la table.
COMMISSAIRE (au suspect) — Pointe du doigt la région, c’est pas être une balance de pointer du doigt juste la région de votre prochain plan
silence
LANTIER — En fait, je crois pas qu’il puisse atteindre..
COMMISSAIRE (au suspect, ne faisant pas attention à Lantier) — Bon, c’était ta dernière chance.
Le commissaire attend en fixant droit dans les yeux le suspect, il mange une sucette. Quand il la retire de la bouche, le suspect pleure, on s’aperçoit que c’est un bébé.
COMMISSAIRE — Bon, ça suffit, j’ai été cool avec toi, mais là tu dépasses les bornes. Corentin, je vous accuse d’être Coco, le bébé affreux qui gueule dans le wagon même quand celui-ci est une première classe qu’on avait justement réservé pour pouvoir se taper une sieste tranquille.
Lantier et le Commissaire sont assis devant le suspect. Lantier écrit frénétiquement sur une feuille.
COMMISSAIRE (au suspect) — Monsieur bonjour, bienvenu à la Brigade des ennuyants. Alors nous sommes là pour un simple contrôle de routine. Avant qu’on commence le test, je vais vous demander de me confirmer ces informations. Vous êtes bien Hervé Dubois ?
LE SUSPECT — C’est bien ça.
COMMISSAIRE (lisant son dossier) — Vous travaillez comme contrôle de gestion dans une société d’assurance.
LE SUSPECT — Exacte.
COMMISSAIRE — Vous avez des études, dites classiques, en l’occurrence une fac de gestion.
LE SUSPECT — Tout à fait.
COMMISSAIRE — Je ne vois que vous n’avez pas particulièrement de hobbies ou de passions.
LE SUSPECT — J’aime bien la musique.
COMMISSAIRE — Vous en pratiquez ?
LE SUSPECT — Non.
COMMISSAIRE — Vous lisez un peu ?
LE SUSPECT — Non pas beaucoup ?
COMMISSAIRE — Même pas de la presse ou des magazines spécialisés ?
LE SUSPECT — Non.
COMMISSAIRE — Vous regardez des documentaires, des émissions d’informations ?
LE SUSPECT — Pas plus qu’un autre.
COMMISSAIRE — Pas plus qu’un autre. C’est noté. Bien, je vous remercie pour ces confirmations. Passons au test. Mon adjoint ici présent a fait une liste de thèmes. Le but est que vous me disiez ce que vous évoque le sujet. Si ça vous évoque rien, ou que vous n’avez pas particulièrement d’avis, vous pouvez passer ou dire « j’en sais rien, je m’en fous », enfin bref, la formule que vous voulez. Est-ce clair ?
LE SUSPECT — Très clair.
COMMISSAIRE — Bien, on va y aller. Lantier c’est fini ?
LANTIER (donnant la feuille) — J’ai fait comme vous m’avez dit Commissaire, j’ai essayé d’être précis.
COMMISSAIRE (lisant la feuille) — Ah, en effet.
COMMISSAIRE — Monsieur Dubois, avez-vous quelque chose à dire sur la taille des haies à Strasbourg.
LE SUSPECT — Ah oui dans l’est c’est connu, ils n’ont pas la main verte, il taillent toujours trop court les arbres, c’est laid.
COMMISSAIRE — … l’équipe de Basket de Toulouse
LE SUSPECT — C’est pas une ville qui est au niveau sur ce genre de sport.
COMMISSAIRE — … l’utilisation du mot consensus dans la littérature d’après-guerre.
LE SUSPECT — Je n’aime pas ce mot, le mot compromis est bien plus joli.
COMMISSAIRE — les échanges commerciaux entre le Pays Bas et l’Allemagne en 1996
LE SUSPECT — C’est normal que ça marche bien, ce sont des pays qui ont le même état d’esprit.
COMMISSAIRE — Le parcours du Tour de France de 1974
LE SUSPECT — Les routes étaient plus belles à cette époque.
COMMISSAIRE — Les paroles de la chanson « La Déclaration » de Debout sur le Zinc
LE SUSPECT — Pas aussi beau que les paroles de Queen.
COMMISSAIRE — Bon je pense qu’on a ce qu’il faut. Monsieur Dubois, je vous accuse d’être Hervé, le gars qui un avis sur tout même sur des sujets qu’il ne maitrise absolument pas.